Tous ces excès nativitesques nous ont donné l'occasion de nous pencher (de l'intérieur) sur des particularités du système de santé. Si parmi vous certains souhaitent refaire leur vie aux USA, je leur conseille des études de médecine, si possible avec une spécialité. Les généralistes prennent cher de la consultation, mais ça ne dépasse pas trop les 200 dollars. Pour les pédiatres, guère beaucoup plus.
Pas pédiatrie donc. Par contre, d'autres spécialistes se gênent moins aux entournures et demandent carrément 632 dollars pour une consultation de 10 minutes (3600 de l'heure ...)
Du coup il suffit devenir travailler ici un an et on a une retraite assurée pour facile 40 ans ! ou alors, travailler ici une semaine par an - sympa aussi ...
Sachant qu'un état comme le Texas ne prélève pas d'impôt sur le revenu, que l'impôt fédéral ne peut pas dépasser 35 % et les taxes sécurité sociale/medicare ne vont pas dépasser 15 % si vous êtes à votre compte, vous ne pouvez pas vous ruiner. En plus, il semblerait qu'on soit exempté d'impôts pour la première année de travail ...
Pas étonnant que dans ces cas-là, l'assurance santé soit privée (on voit mal comment le commun des mortels pourrait cotiser une somme suffisante pour assurer leurs dépenses de santé). Première visite chez le gynéco = 2000 dollars. A sept visites par grossesse (les suivantes sont moins onéreuses, quand même - il paraît), et un accouchement à 15 à 30 000 dollars, on arrive, pour renouveler la population (sans la vacciner ou la traiter pour ses maladies) à déjà plus de 30 000 dollars par enfant - donc par bonhomme, à cotiser ... ça fait rêver. En excluant bien sûr tous les autres soins ...
En vrai, je suis couverte par la Sécu (française - au tarif français, je rassure les gens qui cotisent pour moi - et un peu plus via la mutuelle). Si j'avais été payée par l'université du Texas, j'aurais probablement acheté une meilleure assurance (à 300 dollars par mois) et j'aurais payé bien moins cher chez le médecin. Si j'avais été très riche, j'aurais carrément pris un plan de santé très onéreux où tout est couvert. Mais, si je n'avais pas été couverte, j'aurais payé encore plus. En effet les tarifs dont j'ai connaissance sont les tarifs négociés. Ma sécu/mutuelle a chargé une entreprise de négocier les tarifs des prestations. La boîte fait baisser les prix et se sert au passage. Toutes les assurances santé aux USA négocient ainsi le prix des services.
Cela complique évidemment le travail du médecin (pour nuancer ce qu'on a vu ci-dessus). Imaginons donc un
client patient grippé, qui va avoir besoin d'une consultation de 5 minutes et d'un test de grippe. S'il est assuré à UT, le médecin va facturer environ 100 dollars. S'il est assuré comme moi, il facture 200. S'il n'est pas assuré, la facture passe à 300. Mais les gens mal ou pas assurés peuvent l'être parce qu'ils sont pauvres, et ne pas payer. Du coup, gros casse-tête pour le médecin qui, s'il veut gagner 300 dollars, doit choisir entre soigner 3 grippeux couverts par UT, ou un pas assuré (au risque dans ce cas de se retrouver sans dollars). Heureusement, les médecins s'entourent d'une compétente équipe de comptables et conseillers, vers lesquels le
client patient est aiguillé avant même de prévoir un rendez-vous. Les comptables décident alors si la couverture du patient a l'air sérieuse (parfois, les couvertures 'out-of-town' ne sont pas acceptées : ici, étranger, on n'aime pas les étrangers ...) ou bien s'il a l'air de payer ses factures (raison pour laquelle ils demandent au
client son numéro de sécurité sociale, qui comme on l'avait déjà dit, indique sa solvabilité). Les médecins sont apparemment totalement autorisés à refuser de soigner un patient sans donner de raison, ou en donnant la raison qu'ils ne soignent pas les gens couverts par Medicare ou autre (je me suis déjà fait refuser, et Léon aussi).
D'après les parents de François, il faut relativiser sur les revenus des médecins, car ils doivent payer des sommes astronomiques en assurances (vu que certains Américains sont capables de faire un procès quand ils ont rangé leur enfant dans le micro-onde parce que ce n'était pas écrit de ne pas le faire, je vous laisse imaginer en cas d'erreur ou litige médical. A ce propos d'ailleurs, il y a sans doute eu un procès d'un crétin contre un viticulteur pour des questions d'orientation de bouteille : voir la petite note en bas de l'étiquette de vin ci-contre ...).
Il semblerait aussi que, à cause notamment de ces processus de négociations des prix, les intermédiaires se multiplient : le médecin touche une partie qu'il doit réutiliser pour payer non seulement son assurance, ses secrétaires et infirmiers ou aide-soignants, mais aussi ses avocats et ses comptables, et du côté de l'assurance, le négociateur touche une partie, sans compter ce qui doit partir en bénéfices bruts de la compagnie d'assurance. D'après
l'article très bien fait de wikipedia (lequel se fonde sur un rapport de l'OCDE) les USA présentent le plus mauvais rapport qualité/prix de la santé de l'OCDE, notamment à cause de ces surcoûts administratifs.
Et puis, beaucoup de gens pas assurés sont des gens qui ne sont pas malades (et qui préfèrent payer 200 dollars une fois par an pour un gros rhume, que 400 tous les mois pour ne rien payer en cas de rhume). Donc souvent les gens se décident à s'assurer lorsqu'ils savent qu'ils vont commencer à en avoir besoin - forcément, dans ces cas-là, l'assurance ne devient pas meilleur marché (puisque les gens essaient tous de cotiser moins que ce qu'ils vont recevoir, ce qui est techniquement impossible, et encore plus lorsque la compagnie d'assurance doit faire des bénéfices !).
Il manque donc un petit peu de dictature dans ce système : obliger les médecins à demander moins, obliger les gens à s'assurer dès leur plus jeune âge, obliger les compagnies d'assurances à ne plus faire de bénéfices (elles feront alors des "pénéfices", et on n'y verra que du feu ... comme les bons vieux "bonu" des traders de la WorldCompany ...)
Pour parachever nos conseils aux futurs médecins, dans un prochain post, on vous expliquera comment alimenter votre clientèle avec des cols du fémur (technique dite 'à la Texane'). Croustillant !